Nike, H&M, Givenchy, Monoprix, Apple… leur point commun ? Ils ont tous lancé leur flagship store fin 2018. Élément identitaire fort, d’une superficie permettant de présenter la plupart des produits de la marque, c’est un véritable temple qui expose au monde les valeurs de l’entreprise et ce qu’elle peut offrir. Alors, partagée entre des objectifs de vente et de développement de l’image de marque, comment la marque à la pomme fait pour que ses flagships soient les plus rentables au monde et fassent en même temps vivre une expérience exceptionnelle aux clients ?
Un environnement physique haut de gamme
À mi-chemin entre la boutique et l’hôtel de luxe, le nouveau vaisseau amiral d’Apple inauguré en novembre dernier en est l’exemple typique. Situé sur la prestigieuse avenue des Champs-Elysées et restructuré par le cabinet Foster & Partners, ce magnifique immeuble du 19ème siècle est un incroyable mélange entre l’ancien et le contemporain. Il est accentué par une magnifique cour intérieure éclairée par une verrière à structure pyramidale et qui sert de forum.
Aménagement choisi, couleurs, hauteur sous plafond, matériaux nobles, bâtiment historique, l’environnement physique permet de positionner le magasin, et donc les produits, sur du haut de gamme. Au-delà de son positionnement, il y a une volonté de créer de l’émerveillement, de l’énergie, de générer un sentiment de bien-être, tout en dégageant une identité affirmée en y intégrant des éléments du marketing sensoriel. Quels que soient les points de vente de la marque, Apple a été parmi les premiers a ré-imaginer le magasin à la manière des hôtels 5 étoiles et autres palaces. À noter que le design reste tout de même épuré, reflétant l’essence de la marque pour faire du magasin un prolongement de ses produits.
C’est également une façon d’utiliser au maximum les forces du magasin offline, avec une expérience sensorielle poussée, renvoyant vers l’émotionnel, dans un contexte ou l’e-commerce progresse chaque année en France.
Mais la marque à la pomme possède également d’autres atouts permettant d’affirmer son positionnement, comme la collaboration avec la célèbre marque de luxe Hermès. C’est pour son édition spéciale de la montre connectée Série 4 que les deux géants ont travaillé ensemble, la célèbre marque au cuir orange se chargeant de produire les bracelets de la montre. Les modèles sont exposés dans la Hermès Room, ancien bureau de Santos Dumont, pionnier de l’aviation et constructeur de ballons dirigeables. Ce lieu exceptionnel et revisité, présente les différents bracelets qui sont posés sur des sous-mains, les variantes de cuirs étant elles posées sur des présentoirs dédiés, tout ceci dans une pièce somptueuse. Ces éléments en font un lieu véritablement unique, empreint d’histoire et permettant un mariage exceptionnel entre le high-tech et le luxe, faisant voyager les visiteurs dans l’histoire. Une fois de plus il est question de renvoyer les visiteurs vers l’émotionnel.
Un véritable lieu de vie et d’échange
Aller dans un flagship doit être une activité à part entière, on parle notamment de Retailtainment ou de Shopping Experience. Apple l’a bien compris en y incorporant des animations complémentaires possédant une forte valeur ajoutée. C’est dans des lieux grandioses, comme le flagship des Champs-Élysées, que sont organisés les Today at Apple, participant à faire vivre le Store à travers des ateliers pédagogiques axés autour de la photo, de la musique, du code informatique ou encore de la santé. Bien photographier avec un iPhone ou prototyper une application avec un iPad, les Spécialists viennent partager avec le public savoir et technique.
Le vaisseau mère français a été aménagé de façon à accueillir ces ateliers : une cour ayant une surface importante permet d’accueillir un écran géant, des tabourets pour le public et une sonorisation pour les lives musicaux. Ces sessions gratuites sont ouvertes à tous, client ou non de la marque, et sans obligation d’achat. Cela représente beaucoup d’intérêts pour l’enseigne : faire davantage vivre les magasins, fidéliser les utilisateurs, permettre de développer le nombre d’ambassadeurs de la marque ou faire de la conquête indirecte. Le pari a été parfaitement réussi en y mettant en avant les valeurs du partage et de l’empathie.
L’expérience d’échange se fait également au sein du Genius Bar, dédié à donner des conseils techniques pour les utilisateurs qui rencontrent des problèmes avec des applications, des produits ou pour la réparation matérielle. Cette partie du magasin fonctionne très bien, tant pour la marque que pour les consommateurs :
- L’espace est brandé, la société est la première à avoir développé ce concept, de le qualifier en tant que bar, avec son propre logo et nom. Plus que cela, il possède une vraie personnalité : le style architectural, la façon d’interagir avec, des employés qui le rendent rassurant et compréhensif…
- C’est aussi un lieu dit compétent, composé d’un staff entraîné, dévoué à la cause Apple et à l’écoute des clients. La marque peut en effet se vanter de développer la partie software et hardware, lui permettant de mieux répondre aux problématiques produits.
- Enfin, le lieu est propice à une relation Human To Human, permettant d’une part la personnalisation accrue, et d’une autre la création d’une relation forte. Celle-ci permet de transformer un client mécontent, qui a le potentiel d’avoir une expérience de vente désagréable ou d’un avis négatif à partager aux autres, en un partisan satisfait voire enthousiaste vis-à-vis de la marque.
Par ailleurs, le rapport expérience client/performance a été démontré par le professeur Fornell, de l’Université du Michigan, dans une étude de 2006, dont l’ADN reprend les concepts. Les entreprises avec des meilleurs taux de satisfaction client connaissent non seulement une sur-performance boursière, mais aussi une moindre volatilité de la valeur de leurs actions et de leurs cash-flows. On y retrouve donc beaucoup d’avantages à soigner cette relation.
Apple oriente sa stratégie autour du people-first
Apple l’a également compris, l’expérience client passe avant tout par l’humain. C’est dans cette optique que la marque a effectué un gros travail de recrutement et de formation. Avant d’être des vendeurs, les employés sont recrutés pour leur sourire, leur créativité ou leur audace. L’élément phare de l’expérience est donc la façon dont les employés sont embauchés, motivés et entraînés à communiquer avec les consommateurs.
La marque est tournée autour de la responsabilisation, et laisse « libre court » aux employés de faire ce qu’il leur semble être juste pour le client. Le vendeur s’inscrit alors au cœur de la relation client, avec comme objectif principal d’optimiser leur satisfaction. À la tête des Apple Store, Angela Ahrendts aime dire que le rôle des employés est d’abord « d’enrichir la vie des gens, en leur apprenant quelque chose qu’ils ne connaissaient pas ». Cette stratégie résume aussi bien le rôle du flagship-store que celui de l’humain afin d’amener, par la suite, à la vente.
Ce nombre très impressionnant, qui a presque doublé depuis 2010, permet de diminuer drastiquement le temps d’attente pour les visiteurs. Cette friction autrefois source de sentiment de perte de temps, de frustrations, plaintes ou d’abandons a quasiment disparue.
Tout est fait pour que les employés se concentrent donc sur cet objectif, il est également intéressant de noter que le personnel n’est pas payé à la commission (un variable est néanmoins reversé suivant certaines conditions). C’est la même pratique qui est utilisé pour les Genius. Ce sont les profils les plus techniques, et qui sont aussi davantage formés à l’empathie qu’à l’écosystème informatique de la marque. Cela passe notamment via la méthode A.P.P.L.E (Approach, Probe, Present, Listen, End with an invitation), comme l’a révélé cette fuite de documents de formation en 2012.
Néanmoins, le vendeur se doit d’être expert sur les produits et services proposés. Véritables passionnés par les produits, ils sont tout de même aidés d’une connexion internet permanente. En effet, les consommateurs ayant accumulé un savoir extrêmement pointu sur les produits qui les intéressent, peuvent parfois remettre en question voire challenger les arguments de vente. L’outil numérique leurs confère ainsi les moyens d’améliorer leurs conseils, mais aussi dans certains cas d’enrichir leurs connaissances client. En plus de cette connexion, ils disposent d’une solide équipe, mise en valeur et permettant ainsi d’instaurer de la confiance au sein de l’organisation.
Malgré le fait que l’humain soit souvent perçu comme un coût, l’étude Customer Experience Excellence de KPMG démontre que l’humain est essentiel pour améliorer l’expérience client et la relation avec les consommateurs. Cela participe à l’amélioration du NPS, principalement grâce à l’empathie, à la personnalisation et à l’anticipation des besoins clients. Au-delà de la vente, cette stratégie est également essentielle au marketing, en améliorant fortement la notoriété de marque.
Ainsi, comme je vous l’expliquais dans un précédent post, même si le phygital devient un véritable atout pour les boutiques physiques, l’affectif reste au cœur des préoccupations. Il permet une expérience in-store optimale, tant au niveau sensoriel qu’au niveau humain. Le flagship store constitue donc un outil de promotion, d’image de marque, de rentabilité, mais également de fidélisation. Apple l’a très bien compris et cela permet à la pomme de construire une relation véritablement ancrée dans le réel. Ainsi, dans un contexte où la combinaison d’une stratégie phygitale et humaine devient évidente, comment les marques vont réussir ce mélange tout en restant innovantes ?